❈ Les Religions : Millénaristes, une hérésie médiévale qui perdure

Les Millénaristes et Joachim de Flore, naissance de l'hérésie au XII ème siècle


Il ne s'agit pas d'hérésie sur le fond mais d'une divergeance sur la forme : l'interprétation du chapitre 20 de l'Apocalypse à savoir le "Millenium". C'est dans un monastère Cistercien (Corazzo en Calabre) que Joachim de Flore élabora sa nouvelle religion "Millénariste". Fils de petite noblesse Calabraise, page à la cour de Roger de Sicile, il partit en pélerinage en terre sainte. Frappé par la grâce il devint prédicateur itinérant. Il intégra l'Ordre Cistercien en 1160 dans le monastère de Corazzo, il en devint l'Abbé en 1177. Il quitta le monastère 15 années plus tard pour fonder son propre ordre en reprenant la règle des Cisterciens en durcissant encore la vie des moines. Approuvé par le Pape cet Ordre perdurera jusqu'au XVI ème siècle. Joachim de Flore était un ascète dotté d'une grande érudition il était également d'une très grande bonté.
Il sera Béatifié puis Anathématisé, son Ordre ne sera pas dissous mais ses oeuvres seront brûlèes. Ses thèses furent condamnées d'abord au concile de Latran en 1215, puis en 1255 par le Pape Alexandre IV qui déclara Anathèmes ses oeuvres. Sa doctrine diffère de l'église Catholique dans le sens ou il donne une explication rationnelle à la Trinité ( par exemple pour lui beaucoup d'hommes sont une foule ). Qualifié par l'église d'insensé plein de présomptions, il venait grossir les rangs des penseurs Chrétiens qui s'étaient aventurés à leurs dépens sur le chemin scabreux de l'explication du mystère Trinitaire !
Pour Joachim de Flore l'histoire de l'humanité est une semaine divisée en trois ères :
- la première est l'âge du Père racontée dans l'ancien testament.
- la deuxième est l'âge du fils racontée dans le nouveau testament.
- la troisième est l'âge de l'esprit qui n'est pas la fin du monde mais une période de libération préparatoire.

Cette doctrine à généré en Calabre des violences extrèmes commises par les paysans, mais elle a également servi de terreau à la Réforme Protestante et beaucoup plus tard, à d'autres doctrines sulfureuses qui avaient cours pendant le III ème Reich.

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Le millénium est le terme employé pour désigner le règne de mille ans de Jésus-Christ sur Terre décrit dans le chapitre 20 de l’Apocalypse.
En 382 le Pape Damase entérine lors d'un concile à Rome, le dogme de la Chrétienté ainsi que les deux canons testamentaires. Néanmoins, il subsistait encore quelques chapitres testamentaires sujets à "interprétations multiples". C'est Saint Augustin en l'an 420 qui tranche concernant l'interprétation du Chapitre 20 de l´Apocalypse de saint Jean.

Saint Augustin est contre le Millénarisme

Augustin était millénariste avant sa conversion, puis il deviendra évêque d´Hippone, en Afrique du Nord. Dans ses Confessions, il renie sa première vie faite d´insouciance, d´excès et de plaisirs. Il semble bien que ce soit en lisant certains écrits millénaristes comme ceux de Lactance (« le vin coulera dans les ruisseaux, les bêtes ne se nourriront plus de sang ») ou d´Hyppolite (« les élus ne mourront plus et n´auront plus de soucis de noces ni de procréation : ils vivront très heureux ») qu´Augustin décide de combattre le millénarisme de façon radicale. Pour cela, entre 413 et 426, il écrit "La cité de Dieu" qui développe une argumentation précise contre « la confusion des deux cités, la cité des hommes et la Cité de Dieu ». On y lit par exemple : « Les deux cités qui depuis l´origine jusqu’à la fin des siècles cheminent entièrement mêlées, l´une dans l´autre, doivent être séparées au Jugement dernier ».
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Le raisonnement d´Augustin est le suivant :


Si la fin des temps doit coïncider avec le triomphe de Jésus-Christ sur Satan, du Bien sur le mal, des justes sur les impies, alors cela signifie que c´est l´Esprit qui s´impose sur la chair, le céleste sur le terrestre, la Cité de Dieu sur la cité des hommes. Augustin est néoplatonicien, il croit à l´opposition du monde terrestre, impur et sensuel et du monde céleste et divin, pur et spirituel. Il n´est donc pas pensable que le Paradis se réalise sur terre où les deux cités sont toujours mélangées et les sens toujours tentés par les plaisirs. Il faut donc donner un sens spirituel (et métaphorique) à l´Apocalypse de saint Jean : le règne de mille ans sur la terre est celui de l’Église, de la Cité de Dieu enfouie dans celle des hommes (il écrit : « les mille ans de paix ont commencé avec Constantin ») mais qui ne sera vraiment accompli qu´au Ciel, à la fin des temps.

Synthèse du raisonnement d´Augustin :


On trouve chez Augustin une chronologie sommaire de l´Histoire qui suscitera bien des commentaires et des controverses. S´inspirant de la formule d´un prophète de l´Ancien Testament pour qui : « mille ans sont comme un jour », Augustin l´applique au livre de la Genèse en découpant l´Histoire en 7000 ans (Dieu ayant créé le monde en 6 jours tandis que « le septième il se reposa »). Pour l´auteur des Confessions, il s´est écoulé 5000 ans entre Adam et le Christ, et à l'époque ou vivait Augustin « c'était donc la sixième période ». La septième période marquerait la fin du monde ( c´est le septième sceau de l´agneau dans Apocalypse de Jean ). Sans pouvoir la dater précisément, Augustin la situait vers 1500 après Jésus-Christ, et non vers 2000. Le Millénium de Saint Jean n´est pas le paradis sur terre mais la désignation métaphorique de ce « septième jour » qui marque la fin des temps terrestres et le triomphe du temps spirituel de la Cité de Dieu. Pour les adeptes de cette thèse, nous sommes dans la septième période et le Christ doit incessamment revenir sur terre, pour exterminer définitivement Satan et ses sbires et y instaurer le paradis sur terre et dans les cieux.

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Beaucoup plus tard, au XIX ème siècle deux nouvelles conceptions du millénium apparaitront.

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Résumons les 3 thèses qui existent de nos jours chez les Chrétiens concernant l'interprétation du Millénium :

- Les amillénaristes refusent la pensée d'un règne de Jésus-Christ sur Terre. Ils assimilent le millénium avec le règne éternel (chapitres 21 et 22 de l'Apocalypse) et appliquent les prophéties concernant le rétablissement d'Israël à l'Église. La période de 1000 ans est comprise comme une durée symbolique désignant une très longue période de temps et qui correspond à la période de l’Église pendant laquelle le royaume de Dieu spirituel progresse à travers l’évangélisation des nations. Cette période s’achèvera avec le retour de Jésus et la résurrection des morts.
Pour les amillénaristes, l’enchaînement du diable coïncide avec la mort et la résurrection de Jésus. Satan n’est pas totalement mis hors d’état de nuire mais son pouvoir est limité, pour pouvoir permettre que l’Évangile soit annoncé parmi toutes les nations.
Dans Apocalypse chapitre 12, il est clair que l’expulsion du diable correspond au moment de la mort et de la résurrection du Christ. Les termes utilisés dans ce chapitre pour le jugement du diable – jeté (ekballô) et lié (deô) sont les mêmes que ceux employés pour la mort et la résurrection de Jésus et/ou l’établissement du règne de Christ dans Matthieu chapitre 12.29 & Marc chapitre 3.27, Luc chapitre 10.17-19 ou Jean chapitre 12.31-33.
Selon l’amillénarisme, la première résurrection est comprise comme une résurrection de nature différente de la deuxième. Les textes parlent d’une première résurrection et d’une seconde mort, mais ne parle pas de deuxième résurrection et de première mort. Celles-ci sont sous-entendues, il est évident pour tous que la première est la mort physique et la seconde est la condamnation éternelle ( expliquée en Apocalypse chapitre 20.14 ), d’autant que cette distinction est régulièrement faite dans le Nouveau Testament, ( par exemple : Jean chapitre 5.24-29). Ainsi la première résurrection désignerait ce que les théologiens appellent « l’état intermédiaire » la situation dans laquelle se trouvent les croyants entre leur mort et la résurrection qui n’aura lieu qu’au moment du retour de Christ.
La dernière partie de l’Apocalypse, le dernier septénaire est composé de sept visions. Dans les visions deux à six, l’ensemble des acteurs du mal sont jugés les uns à la suite des autres. C’est le cas du diable dans les visions du passage qui nous intéresse. Si les visions reviennent à cette période, c’est justement pour rappeler qu’elle constitue déjà un jugement pour le diable. De cette manière, l’ensemble de l’histoire de l’Église est récapitulée sous l’angle du jugement de Satan. Pendant la période de l’Église, il était déjà jugé en étant lié et empêché de séduire les nations. Au retour du Christ, Satan et ses sbires seront relachés et jetés définitivement dans l’étang de feu.

Pour les adeptes de cette thèse, ils croîent au retour imminent du Christ et quand celui-ci reviendra, les croyants ressusciteront pour la nouvelle création et les incroyants pour la seconde mort, Satan sera jeté au feu. la grande force de l’amillénarisme est la simplicité de son schéma de la fin des temps, cette simplicité est le résultat d’une interprétation de l’Apocalypse moins simpliste que les deux autres positions. Les prémillénaristes et les postmillénaristes, eux, ont des règles d’interprétation plus simples qui aboutissent à des schémas explicatifs plus complexes.

C'est la doctrine des :
  Catholiques
  Orthodoxes
  Anglicans
  Réformés
  Luthériens
  Quelques églises Évangéliques

- Les postmillénaristes situent le retour de Jésus-Christ, après les mille ans de règne. Ces croyants interprètent les prophéties non accomplies de manière non littérale, en attribuant leur propre sens aux mots. Le problème est qu’en attribuant soi-même aux mots des sens différents de leur sens normal, on peut faire dire ce qu’on veut aux mots, expressions et phrases. Ce n’est pas ainsi que Dieu a conçu le langage et la communication : il communique avec nous par sa Parole écrite, avec des mots qui ont un sens objectif.
Pour ces croyants cette période prospère et bénie correspondrait à une victoire provisoire de l'Église du Christ après la chute de l'Empire romain (cf. Ap 18,21). En somme un temps de chrétienté paradisiaque, avant un retour offensif de l'esprit du mal (cf. Ap 20,7). Parmi ceux-ci, Gaston Georgel (1899-1988) exposa sa thèse dans Les quatre âges de l'Humanité. Il situe le millénium comme étant compris entre l'édit de Milan (313) et la destruction de l'ordre des Templiers (1313). Cette thèse basée sur les travaux d'un ecclésiastique, Mgr Decouvoux, fait du millénium l'âge d'or du christianisme, et conclut au déchaînement de Satan à la fin du cycle après 1313.

Pour les adeptes de cette thèse le millénium est passé, Satan régne en maitre sur la terre depuis 1314, et le Christ va revenir sur terre pour exterminer définitivement Satan et ses sbires et y instaurer le paradis sur terre et dans les cieux.

Cette doctrine ultra minoritaire parmi les croyants fut surtout véhiculée par des chercheurs en Théologie du XX ème siècle.

- Les prémillénaristes ( adeptes de la lecture littérale des saintes écritures sans aucune interprétation ) conçoivent le retour de Jésus-Christ avant le millénium.

Le Christ n'est pas encore revenu sur terre pour régner, à son retour il régnera sur terre pendant mille ans, puis il relachera Satan pour quelques temps pour lui laisser séduire encore une fois les hommes, et, très peu de temps après ce sera la fin des temps et l'extermination définitive de Satan et de ses sbires. Ce sera alors le paradis sur terre et dans les cieux ( quelques croyants très pieux seront même appellés à régner avec le Christ dans les cieux, tandisque les autres resteront sur éternellement sur terre ).

C'est la doctrine des :
  Évangélistes
  Témoins de Jéhovah
  Saints des derniers jours
  Église Adventiste du Septième Jour


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